L'innocence perdue de Raminagrobis

Je m'y attendais. Je n'étais pas impatient du tout, mais cela devait arriver. Cela arriva : ma petite chasseuse nous rapporta ce dimanche un oiseau à la maison. Le rouge-gorge n'était évidemment pas complètement mort, et la cruelle Patafix! s'est acharnée à faire durer le plaisir, à petits coups de pattes et morsures sadiques. Tout en grognant, la diablesse attrapait le piaf et le lançait dans les airs... de la cuisine puis quémandait quelque approbation de ma part.

Mon sentiment était mélangé. A la fois fier et soulagé de voir ma petite handicapée à-même de vivre des histoires de chats, et dégoûté de tant de cruauté gratuite (la minette est généreusement nourrie des mets les plus délicats, c'est sans doute là où le bât blesse). Sans même mentionner ce que l'administration Bush aurait appelé "le déluge de plumes et de sang" dans ma cuisine fraîchement lavée. Je ne me sentais pas de sortir le coupe-côtelettes afin d'abréger la souffrance du zoziau... Par bonheur, le rouge-gorge a vite cessé sa lutte pour la survie.

J'ai bien dû lire quelque part que ce genre de cadeaux est un grand honneur, je me demande comment j'arriverai à faire comprendre à ma bestiole que, si je n'ai rien contre ses parties de chasse cruellement naturelles, je me passerai volontiers et dorénavant d'être l'élu récipiendaire de ses trophées sanguinolents.

Offrir des souricettes en peluche à sa minette éveille ses instincts de chasseresse, tout comme armer ses gniards de Kalachnikov en plastoc promet un avenir radieux à l'humanité.